Vers une réforme du statut du fermage ?

L’entrée en vigueur de la loi du 23 décembre 2021 (L. n° 2021-1756, 23 déc. 2021) dite Sempastous a occulté le dépôt par une douzaine de députés d’une proposition de loi visant à apporter quelques modifications au statut du fermage (Prop. de loi, relative au régime juridique du fermage déposée le 17 janvier 2023). Les modifications qu’elle porte sont quand même assez empreintes de conséquences pour être mentionnées.
Les mesures les plus emblématiques sont relatives à l’achèvement du bail.

En premier lieu, l’article 2 de la proposition de loi prévoit de limiter à trois le nombre de renouvellements « sauf accord du bailleur ». Un quatrième renouvellement pourrait néanmoins intervenir « si le preneur se trouve à moins de neuf ans de l’âge légal de la retraite ». Ce renouvellement limité ne serait pas applicable à une société locataire.

En second lieu, les auteurs de la proposition prévoient de rendre globalement plus aisée la résiliation du bail pour faute du preneur.


1) La résiliation pour « commission d’agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds » par le preneur ferait ainsi place au plus sobre « défaut d’entretien manifeste de nature à dégrader le bien ». Il semblerait que la nouvelle formule parait moins exigeante que l’actuelle et donc plus propice à ouvrir la voie de la résiliation au bailleur confronté à un preneur déméritant. Mais, à y réfléchir, le « défaut d’entretien » n’est-il pas plus réducteur que des « agissements » innommés ? L’abandon total d’exploitation, l’irrespect d’un cahier des charges d’AOC, le défaut d’assurance, pour prendre des exemples tirés de la jurisprudence actuelle, seront-ils encore, légitimement, comme aujourd’hui, justiciables de la résiliation ? Ce ne sont pas là à proprement parler des « défauts d’entretien ».

2) La proposition assouplit également les conditions de la résiliation pour défaut du fermage en vue de « sanctionner plus sévèrement » ce manquement.

Ainsi, au lieu des deux défauts de paiements visés chacun par une mise en demeure distincte restée vaine plus de 3 mois, il est proposé que la résiliation intervienne de plein droit après deux défauts de paiement visés par une unique mise en demeure restée vaine au moins 3 mois. Les faits justificatifs actuels – soit la force majeure et les raisons sérieuses et légitimes – resteraient applicables.

3) Enfin, par faveur pour les locataires, les auteurs de la proposition entendent ne plus résilier le bail pour un copreneur qui omet d’aviser le bailleur du départ de l’autre dans les 3 mois comme requis par l’article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime. Ils entendent en effet subordonner la résiliation en ce cas à la démonstration par le bailleur de ce qu’il a éprouvé un préjudice à cause de ce départ resté clandestin.

Par ailleurs, le texte évoque également le droit de préemption du preneur.

Actuellement, lorsque le locataire exerce l’action en révision de prix prévue par l’article L. 412-7 du Code rural et de la pêche maritime, le juge retient la valeur du bien loué comme grevé d’un bail rural.

Les bailleurs ressentent très mal cette décote au motif qu’il est injuste d’en faire bénéficier le locataire qui va acheter un bien libéré de son propre bail par l’effet de la confusion.

Les auteurs de la proposition ont bien entendu cette doléance qui préconise d’ajouter à cet article L. 412-7 un alinéa ainsi rédigé : « Lorsque le bénéficiaire du droit de préemption est le preneur, cette valeur est fixée dans les mêmes conditions que si le bien était libre de location. ».

Enfin, la proposition de loi contient une disposition plutôt bienvenue, à savoir des cas de sous-location en permettant au bailleur d’autoriser le preneur à consentir, pour une durée maximale d’un an, des sous-locations « pour certaines cultures dont la liste est fixée par arrêté préfectoral ».

Une autre modification du texte permettra aux parties au bail de convenir en ce cas d’un partage du sous loyer entre elles.

Affaire à suivre….