Bail rural : un état des lieux est nécessaire

Annexé au bail rural, l’état d’entrée dans les lieux se révèle important pour apprécier l’état des biens qui seront confiés au locataire pour une durée souvent indéterminée.

La pratique révèle que de nombreux contentieux entre Bailleurs et preneurs ont pour origine l’absence de précisions visant leurs relations contractuelles. L’état des lieux est un acte permettant de remédier à cette absence, tout en offrant une garantie aux deux parties.

Le bail verbal n’est pas sans susciter de nombreuses interrogations, notamment quant à l’identité du preneur, les biens loués ou encore le calcul du fermage.

La rédaction d’un bail écrit répond à la plupart de ces questions, voire à toutes. Cependant, le descriptif des biens loués dans un bail peut ne pas être suffisant afin de déterminer les variations existantes entre le début du bail et la fin de ce dernier, ce qui est d’autant plus vrai lorsque les baux sont des baux conclus à long terme (18 ans, 25 ans, …). C’est précisément sur ce dernier point que l’état des lieux présente tout son intérêt.

En effet, l’état des lieux a pour effet de déterminer avec précision la situation réelle des biens loués : terres, bâtiments, plantations.

Cela a pour effet de faciliter la preuve d’une éventuelle dégradation du fonds susceptible de justifier une résiliation du bail, ou, au contraire, de favoriser la preuve des améliorations du fonds au moment de la fin de la location.

1/ Les mesures législatives

L’article L.411-4 du Code rural rappelle qu’un état des lieux est établi contradictoirement et à frais commun dans le mois qui précède l’entrée en jouissance ou dans le mois suivant cette entrée.

Pour les baux à long terme, l’article L.416-6 du code rural rappelle également qu’un état des lieux doit être établi selon les dispositions de l’article L ; 411-4 du code rural.

Cependant, il est bon de noter que l’absence d’état des lieux n’a aucune incidence sur la validité du bail. De même, l’administration fiscale ne peut refuser le bénéfice des exonérations prévues en matière de transmission à titre gratuit des biens ruraux, sous prétexte d’une absence d’état des lieux.

2/ Procédure

L’Etat des lieux peut être établi par les parties elles-mêmes ou par un expert choisi en commun, ou encore par deux experts désignés par elles.

Si aucun état des lieux n’a été établi dans le mois qui suit l’entrée en jouissance du preneur, le bailleur ou le fermier peuvent se prévaloir de la procédure visée par le code rural, qui permet à la partie la plus diligente d’établir un état des lieux et de le notifier à l’autre partie, par courrier recommandé avec demande d’avis de réception.

La partie ainsi notifiée dispose d’un mois pour faire connaître ses observations. A défaut, l’état des lieux sera réputé valablement établi.

Lorsque les deux parties ne parviennent pas à une entente, un expert pourra alors être désigné.

3/ Conseils et intérêts de l’état des lieux

Il est évident que Bailleur et preneur ont tous deux un intérêt à faire cet état des lieux, qui doit donc constater avec précision l’état des bâtiments et des terres ainsi que le degré d’entretien de ces dernières et leur rendement moyen au cours des cinq dernières années.

Bien entendu, l’état des lieux n’empêchera jamais l’une ou l’autre des parties de porter la contestation, le moment venu, devant le tribunal paritaire des baux ruraux, mais il révèlera souvent la bonne foi de l’une et la mauvaise de l’autre, élément précieux, voire décisif pour le juge en charge de l’affaire.

C’est pourquoi l’utilité première de ce document est importante dès la conclusion du bail :

– Tout d’abord, il est utile de déterminer lors de la conclusion du bail les travaux et réparations qui incombent au propriétaire, visant notamment l’état des bâtiments ou des vignes tels que le « remplacement de manquants » ou la replantation d’une parcelle.

– il est tout aussi important pour le preneur d’être assuré de recevoir les biens loués en bon état, puisqu’à défaut d’état des lieux, c’est cette présomption qui fait foi.

Enfin, l’état des lieux dressé au départ permet de vérifier, tout au long du bail, le respect des obligations de chacun concernant la situation des biens loués. Il apporte souvent la preuve effective, comme indiqué plus haut, soit des dégradations, soit des améliorations réalisées.

La résiliation du bail peut être prononcée à l’initiative du bailleur quand le preneur compromet la bonne exploitation du fonds. A son tour, ce dernier est en droit d’exiger du bailleur l’exécution des réparations qui lui incombent.

En pratique, lors de la fin du bail, les parties s’accordent le plus souvent pour établir un constat de l’état des biens loués, qui s’apparente très fortement à un état des lieux de sortie. Il suffit dès lors d’opérer une comparaison avec l’état des lieux entrée, ce qui est d’autant plus facile en cas de difficultés dans les relations entre preneur et bailleur. En effet, ces derniers, lors de la fin du bail, désigneront un expert qui pourra d’autant plus facilement rendre son rapport en s’appuyant sur un document d’entrée valablement effectué entre les parties.

4/ Attention au bâti !

Il s’agit du domaine qui donne lieu à de nombreux conflits entre les parties, ce qui suppose une attention toute particulière.

En effet, l’état des lieux doit détailler :

  • l’ensemble du gros œuvre (état des murs, charpente et toiture des bâtiments)
  • l’aspect extérieur des bâtiments (ouverture, portes, fenêtres, gouttières)
  • l’aspect intérieur des bâtiments (détails précis des pièces, granges, hangar avec ou sans équipements, éclairage, mise aux normes, éventuellement installations classées…

Il est également important de faire état de la vétusté des biens et de préconiser dans le document les travaux de réparation et de rénovation à effectuer.

5/ Et enfin… les parcelles !

Un examen précis des différents sols est nécessaire, notamment le rappel du bornage, l’état des clôtures et les accès, la nature de la terre, sa profondeur arable, les travaux déjà réalisés ou à réaliser (désempierrage, irrigation, drainage, état en cours), herbes adventices ou nuisibles.

Pour certaines cultures, notamment les vergers ou la vigne, le descriptif doit être encore plus précis (nombre, variété et âge des plantations, état d’entretien, de production ou de renouvellement).

Ces différentes mentions, qui sont non exhaustives démontrent que le recours à un expert agricole s’avère souvent indispensable. Le coût de son intervention, partagé entre le bailleur et le preneur, est souvent moyen de leur faire éviter plus tard, des frais judiciaires beaucoup plus onéreux.